En marge d’un atelier organisé à Cotonou sur l’implication des communautés dans la gouvernance des frontières, Sentinelles d’Afrique est allé à la rencontre du plus jeune maire du Bénin pour échanger avec lui sur les problèmes d’insécurité que rencontre sa localité. On en retient que malgré la vigilance des autorités locales, Kalalé souffre d’une couverture partielle des unités territoriales des forces de sécurité.
Selon vous, en dehors des querelles liées à la terre, votre commune est exempte de conflits entre agriculteurs et éleveurs, qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Tidjani Bani Chabi : Kalalé est une commune agropastorale. Nous avons deux grandes activités au niveau de la commune à savoir l’agriculture et l’élevage. Il y a moins de conflits entre agriculteurs et éleveurs à Kalalé parce que les populations comprennent que les deux activités sont liées. Quand vous prenez un agriculteur ou un éleveur, il est sur les deux tableaux à la fois. Il est à la fois agriculteur et éleveur, ce qui limite les conflits dans la zone. Cela n’est pas une particularité à Kalalé mais nous pensons que ce double statut a un impact sur la cohabitation entre ces deux groupes. Les actes d’agressions qu’on observe, pour moi, sont inhérents à la vie humaine. Néanmoins, compte tenu de la démographie galopante, et la terre n’étant pas élastique, il y a des conflits fonciers qui sont enregistrés.
Votre commune dispose-t-elle d’un plan local de sécurité pour faire face aux défis sécuritaires ?
Tidjani Bani Chabi : La commune de Kalalé n’a pas un plan local de sécurité[1]. Les tractations avec les partenaires dans ce sens n’ont pas encore abouti mais nous sommes à pied d’œuvre. Pareil pour le plan de contingence [2]. Et là également, les discussions sont très avancées avec l’Association pour le développement des Communes du Borgou (ADECOB) pour combler ce vide. Nous sommes déjà à la phase d’enquête en attendant de poursuivre avec les autres étapes. Il faut avouer que la disponibilité d’un plan local de sécurité, par ces temps qui courent, allait nous faciliter la tâche. Pour le moment, d’autres dispositions sont prises pour contenir tout ce qui est menace au niveau de la commune. Je voudrais féliciter le gouvernement du Bénin qui a mis en place un plan de sécurité avec les forces de l’ordre.
La commune de Kalalé n’a pas un plan local de sécurité
La commune, de son côté, ne croise pas également les bras. Il y a des comités qui travaillent dans le cadre de la coproduction de la sécurité. Dans les villages et arrondissements, nous avons pu mettre en place des groupes pour maintenir la population dans un état de veille.
On observe néanmoins une récurrence des cas d’enlèvements.
Tidjani Bani Chabi : De 2022 à 2023, il y a eu effectivement des événements qui nous ont marqués négativement. On observe beaucoup de cas d’enlèvements avec des rançons. Des bandes organisées sèment la terreur. Il y a aussi des actes criminels barbares. Nous avons perdu des compatriotes qui sont abattus devant leurs femmes et enfants. La sensibilisation se poursuit pour amener la population à alerter les autorités dès qu’elle constate une présence suspecte ou des mouvements inhabituels. L’information est capitale pour comprendre le mode opératoire de ceux qui troublent l’ordre public.
Quels sont les besoins en matière d’infrastructures sécuritaires à Kalalé ?
Tidjani Bani Chabi : Je voudrais profiter de votre question pour faire un plaidoyer. Kalalé est une commune de plus de 200 mille habitants. Actuellement, nous n’avons que deux commissariats pour nos six arrondissements. Le manque d’infrastructures sécuritaires accroit les actes de grand banditisme à Kalalé. Compte tenu de la menace des groupes armés non étatiques, les bandes criminelles créent la psychose parce que la population n’arrive pas à faire la différence entre les groupes terroristes et le banditisme ordinaire. Il y a vraiment un vide à combler à ce niveau. L’État n’a qu’à nous aider à avoir au moins les postes de commissariats avancés d’abord.
Compte tenu de la menace des groupes armés non étatiques, les bandes criminelles créent la psychose parce que la population n’arrive pas à faire la différence entre les groupes terroristes et le banditisme ordinaire.
Comment les communautés sont-elles associées aux différents objectifs de sécurité à Kalalé ?
Tidjani Bani Chabi : En matière de paix et de cohésion sociale, il y a plusieurs actions qui ont été menées. Nous avons reçu maintes fois dans la commune, le ministère de l’Intérieur qui a insisté sur la coproduction de la sécurité. Les différents acteurs ont été suffisamment sensibilisés sur le sujet. Que ce soit les têtes couronnées, les organisations de femmes, de jeunes, les religieux, toutes ces composantes ont été instruites par rapport à leur rôle dans le dispositif sécuritaire. C’est ce qui fait que les gens ont le bon réflexe quand les situations de crise surviennent. On n’a pas encore un plan local de sécurité mais tout est mise en œuvre pour rassurer les populations. Toutefois, en demandant aux concitoyens de participer à la gouvernance sécuritaire, l’État doit être présent sur les champs régaliens sinon, le mouvement d’ensemble qu’on souhaite avoir restera un vœu pieux. C’est pourquoi à travers les projets de cohésion sociale en cours dans les départements du Nord, il y a un volet qui prend en compte les activités génératrices de revenus pour les jeunes et les femmes. Lorsqu’un jeune est désœuvré, il est exposé à toutes sortes de vices.
Sources
- C’est un instrument technique de la gouvernance de la sécurité, élaboré à partir d’une démarche participative de diagnostic où toutes les couches de la société participent et donnent leurs points de vue sur la gestion de la sécurité de leur cité pour une meilleure coproduction de la sécurité. (https://interieur.gouv.bj/news/67).
- Un plan de contingence est un document qui permet à la communauté d’identifier les risques majeurs pour se préparer à apporter une réponse au moment où surviendrait une situation d’urgence en vue de minimiser ses effets. Les plans communaux sont alignés sur le plan national de contingence. (PNUD, 2021).