En raison de ses conséquences pour les États mais également pour les communautés, le changement climatique est devenu une préoccupation majeure de notre siècle. Du fait de ses causes naturelles mais surtout anthropiques (liées aux activités humaines), il est noté entre autres des températures plus élevées, des vagues de chaleur, des précipitations de plus en plus abondantes, la montée du niveau de la mer et autres.
Cela a des effets importants sur la vie des populations, en particulier les plus vulnérables, en provoquant des inondations, des sécheresses, des glissements de terrain, des érosions côtières et autres phénomènes.
Diverses études ont montré que l’Afrique est plus vulnérable que toute autre région du monde au changement climatique, alors qu’elle contribue le moins aux émissions de gaz à effet de serre.
Concrètement, comment cela se manifeste-t-il ?
Le réchauffement climatique affecte négativement les secteurs de développement de certains pays du continent, notamment l’agriculture, les ressources en eau, l’énergie, la santé, les infrastructures et le développement urbain, le tourisme, la sylviculture et autres. Les principaux défis environnementaux sont les inondations, les épisodes de sécheresse, la dégradation des terres agricoles, la pollution des sols et l’inadéquation du cadre de vie avec le niveau de services pour répondre aux besoins de bien-être des populations. Les risques d’insécurité alimentaire sont en outre élevés.
La Banque africaine de développement (BAD) estime que l’impact du changement climatique sur l’Afrique pourrait atteindre 50 milliards de dollars d’ici 2040, avec une baisse de 30 % du PIB d’ici 2050. Une étude du West african science service centre on climate change and adapted land use (WASCAL) prévoit une réduction du PIB de 3,7 % et 11,7 % d’ici 2050, principalement due à l’agriculture et aux infrastructures.
Quel rapport avec la sécurité ?
Concernant la sécurité climatique, les principaux éléments d’analyse sont les suivants: les chocs et les risques climatiques (1), l’exposition des communautés, des ressources et d’autres actifs à ces chocs et risques (2) et les vulnérabilités et les capacités d’adaptation des États, des communautés et des individus (3)[1] .
De nombreux pays africains font déjà face à des défis sociopolitiques, des difficultés économiques et des attaques et abus perpétrés par des groupes armés non-étatiques.
Il est difficile d’établir un lien direct entre le changement climatique, la paix et la sécurité. Cependant, de nombreuses recherches ont montré que l’impact du changement climatique aggrave les vulnérabilités socio-économiques, politiques et sécuritaires existantes. La sécurité climatique constitue dès lors une question géopolitique incontournable du 21e siècle[2].
Autrement dit, les effets du changement climatique ne suffisent pas à eux seuls à générer des conflits. C’est leur interaction avec les circonstances socio-économiques et politiques qui exacerbe les facteurs de risque et contribue à déclencher ou à accroître la violence, voire des conflits. Ainsi, les communautés les plus affectées et exposées feront face par exemple, à la réduction de la production agricole, la pénurie d’eau, la perte des moyens de subsistance, le déplacement involontaire, la concurrence accrue pour les ressources naturelles.
Ainsi, du fait de l’exode rural et d’une urbanisation et migration non planifiées, une pression supplémentaire est exercée sur les grandes villes non préparées à un accueil massif de personnes, ce qui accentue les risques et insécurités inhérents aux centres urbains.
Les effets du changement climatique exacerbent les conflits agricoles, affectant les couloirs traditionnels de transhumance et provoquant le déploiement des éleveurs dans les zones traditionnellement dominées par l’agriculture. En raison de la diminution des rendements agricoles, les agriculteurs s’étendent dans les couloirs de transhumance. De telles pratiques aggravent les conflits, ce qui conduit souvent à une concurrence intercommunautaire pour les ressources naturelles. En outre, parfois, les pêcheurs et les agriculteurs creusent des tranchées, piégeant le bétail et provoquant des conflits.[3]
Le changement climatique a provoqué une augmentation de la température des eaux océaniques, la fonte des glaces et une élévation continue du niveau de la mer au large des côtes. Cela a modifié les schémas de migration des stocks de poissons, les poussant plus loin de la côte, ce qui, au fil du temps, a réduit la disponibilité de poissons pour les communautés locales de pêcheurs sans oublier les conséquences de la surpêche. Des études ont montré que cela participe à la piraterie maritime ou d’autres activités criminelles pour des questions de survie.
Par ailleurs, le changement climatique a non seulement des effets négatifs sur les moyens de subsistance des communautés, mais il favorise également les groupes armés non-étatiques. En effet, les difficultés de subsistance liées au climat ont été identifiées comme ayant un impact direct sur le recrutement dans le conflit du nord-est’’ de Boko Haram et d’autres groupes armés non-étatiques[4]. Au-delà des recrutements, les groupes armés non-étatiques pallient l’absence d’infrastructures et de services de base dans certaines communautés. Ils fournissent de l’eau ou facilitent l’accès aux terres, règlent les conflits communautaires, autorisent le braconnage, et autres.
En effet, les difficultés de subsistance liées au climat ont été identifiées comme ayant un impact direct sur le recrutement dans le conflit du nord-est’’ de Boko Haram et d’autres groupes armés non-étatiques.
Quel lien avec le genre et les femmes ?
Les personnes les plus exposées sont les plus vulnérables, et différents groupes (en particulier les femmes et les jeunes) sont touchés de différentes manières.
Par exemple, les femmes représentent 70 % de la population rurale travaillant dans le secteur agricole en Afrique de l’Ouest et du Centre. Ainsi, les femmes et les filles sont susceptibles d’être confrontées à des impacts plus importants du changement climatique sur la production et la sécurité alimentaires que les hommes et les garçons.
Par exemple, les femmes représentent 70 % de la population rurale travaillant dans le secteur agricole en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Ainsi, faute de terres fertiles, les hommes agriculteurs émigrent, laissant derrière eux femmes, enfants et personnes âgées. Les éleveurs, surtout ceux qui effectuent de longues distances dans le cadre de la transhumance, ne voyagent pas toujours avec leur famille. Par conséquent, les femmes restent derrière en voyant leur rôle évoluer parfois en des cheffes de fait de la famille et en des pourvoyeuses de ressources (nourriture et eau) et de solutions aux effets du changement climatique.
Ainsi, faute de terres fertiles, les hommes agriculteurs émigrent, laissant derrière eux femmes, enfants et personnes âgées.
Par conséquent, les femmes restent derrière en voyant leur rôle évoluer parfois en des cheffes de fait de la famille et en des pourvoyeuses de ressources (nourriture et eau) et de solutions aux effets du changement climatique.
En quoi les réponses vont-elles au-delà de l’environnement ?
Il s’agit également d’un problème politique et de gouvernance dès lors que les effets du changement climatique ont un impact considérable sur les conditions de vie et la survie de certaines communautés, surtout du fait de la pression démographique et de la compétition pour les ressources. En outre, les tensions préexistantes s’intensifient du fait des impératifs de survie d’où les risques pour la paix et la stabilité des pays et des régions. Ainsi, en plus des réponses environnementales et climatiques, la présence de l’Etat dans les contrées les plus reculées d’un pays, le développement équilibré sont des pistes de solutions. L’aménagement du territoire soit en choisissant de soutenir les zones rurales soit d’accélérer une urbanisation mieux planifiée et adaptée constitue également un élément de réponse aux problèmes de sécurité aggravés par les effets du changement climatique.
En outre, les tensions préexistantes s’intensifient du fait des impératifs de survie d’où les risques pour la paix et la stabilité des pays et des régions.
Sources
- Mécanisme sur la sécurité climatique (CSM)
- Etude UNOCA 2022
- Cameroun, Tchad
- Selon une étude menée dans l'État de Borno au Nigeria, "les problèmes de subsistance liés au climat ont été identifiés comme ayant un impact direct sur le recrutement dans le conflit du Nord-Est de Boko Haram et d'autres groupes armés non étatiques.