Lancement de livre
Le terrorisme au Bénin : Perceptions, actions et perspectives
Un nouvel ouvrage pour élucider davantage la question du terrorisme au Bénin.
31 août 2023
Cotonou, Bénin – 31 août 2023. Le terrorisme au Bénin : Perceptions, actions et perspectives est une étude réalisée avec l’appui de la fondation Konrad Adenauer Stiftung, et présentée officiellement au public au siège de l’institution allemande, le jeudi 31 août 2023 à Cotonou.
L’ouvrage porte la marque de cinq auteurs conduits par le binôme d’enseignants chercheurs Thierry Bidouzo, Maître-Assistant en droit public des universités du CAMES et Expédit Ologou, Maître-Assistant en Science politique des universités du CAMES et coordonnateur du Programme Gouvernance politique, Sécurité et Médias de la Friedrich Ebert Stiftung. Il se veut un condensé d’analyses factuelles du phénomène terroriste au Bénin notamment au nord du pays où les populations vivent dans la peur depuis la première attaque survenue en 2021.
Dans leur grande majorité notamment au niveau des zones touchées par le terrorisme, les populations béninoises sont passées du doute à l’acceptation de la menace. Les attaques successives ont fini par les convaincre que le Bénin a perdu son image de forteresse inviolable par l’ennemi. Et à mesure que les groupes armés terroristes sèment le trouble, les communautés essaient de se faire une idée de l’ampleur du phénomène, indépendamment de ce qu’elles entendent çà et là dans les médias ou de la bouche des autorités politico-administratives. Elles vont jusqu’à reconnaitre publiquement le recrutement d’acteurs locaux. « Les Béninois nous ont dit que de plus en plus, leurs frères du Bénin servent de relais aux acteurs étrangers et que les signaux d’une appropriation locale du phénomène existent », a affirmé Emmanuel Odilon, contributeur de l’étude.
« Les Béninois nous ont dit que de plus en plus, leurs frères du Bénin servent de relais aux acteurs étrangers et que les signaux d’une appropriation locale du phénomène existent », a affirmé Emmanuel Odilon, contributeur de l’étude.
Les violences qui compromettent les perspectives de paix et de sécurité au nord du Bénin ne sont que la résultante de forces et d’actions complexes. L’acte terroriste vient parfois, constatent les chercheurs, en réponse à un certain nombre d’événements vécus par l’auteur comme une violence injuste sur sa personne ou une absence d’action à son profit, malgré le statut de citoyen dont il jouit. De fragilités en fragilités, le lien social finit par se rompre pour laisser place à un individu prêt à en découdre avec sa patrie au péril de sa vie et des intérêts de sa communauté.
Dans ce contexte, la riposte du ‘’tout militaire’ suffira-t-elle à faire rebrousser chemin au fils perdu ? La réponse est négative ; tant sur les espaces frontaliers, l’État, nonobstant ses efforts, continue de briller par son absence à travers le manque de dispensaires, d’infrastructures économiques ou socio-éducatives de base. Les années de retard d’investissements peinent à être rattrapées, la crise sécuritaire prenant l’allure d’un phénomène qui a surpris. Malgré les filets sociaux déployés avec le concours des partenaires au développement dans les localités rurales, les recrutements inédits au niveau des forces de défense et de sécurité, les défis à surmonter restent importants.
A la cérémonie de lancement, la Représentante résidente de la fondation Konrad Adenauer Stiftung, Dr Iris Nothofer a d’ailleurs évoqué les conséquences du défaut d’inclusion du service public ainsi que de la dégradation de la gouvernance participative sur l’efficacité de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent au Bénin et dans la sous-région. Elle a souligné la nécessité pour les États de changer de paradigme dans les politiques publiques. « Les acteurs violents du terrorisme et du crime organisé prolifèrent, nuisent au développement des États à long terme en raison des inégalités persistantes au plan socio-économique et du manque de confiance dans les institutions publiques qui touche essentiellement les populations à la base », a martelé Dr Iris Nothofer.
Malgré qu’elles soient marginalisées, les populations demeurent des alliées incontournables dans la bataille contre la menace djihadiste. Elles informent, font des incursions au moyen de subterfuges inimaginables, à l’instar des agents de renseignement professionnels, se fondent dans la masse pour aider les autorités à identifier les personnes radicalisées en vue de prévenir l’irréparable. Cette collaboration n’est pas sans risque. « Dans le département de l’Alibori, un jeune qui fait office d’agent citoyen de renseignement a été exécuté devant sa famille par les groupes armés terroristes pour n’avoir pas réagi aux avertissements », confie Expédit Ologou, codirecteur de l’étude.
« Dans le département de l’Alibori, un jeune qui fait office d’agent citoyen de renseignement a été exécuté devant sa famille par les groupes armés terroristes pour n’avoir pas réagi aux avertissements », confie Expédit Ologou, codirecteur de l’étude.
D’autres ethnies font de leur côté, les frais de la terreur à des fins idéologiques, politiques ou religieuses. Le Peul est sur le terrain, le coupable présumé de violence et de complicité avec l’ennemi de par son accoutrement et ses activités. C’est un conflit qui s’invite dans le conflit : celui du délit de faciès contre une communauté. Les conflits entre agriculteurs et éleveurs deviennent le prolongement inextricable d’une crise sécuritaire déjà exacerbée par les tensions communautaires. Il s’agit d’une bombe qu’il faut désamorcer au risque d’assister à une dégradation encore plus rapide de la situation. « La question de la transhumance n’a pas de lien avec le terrorisme. Il faudra veiller à ce que cela n’envenime pas la situation sur le terrain », va déclarer Dr Adamou Sambo, haut-commissaire à la sédentarisation en s’adressant à l’assistance.
« Le terroriste, c’est l’État » : une métaphore saisissante qui a jailli des déclarations d’un citoyen aux enquêteurs. Malgré le vaste champ de réflexion qu’elle offre, elle semble mettre la réduction des inégalités aux premières loges dans l’architecture des réponses locales pour l’éradication de l’extrémisme violent tendant au terrorisme au Bénin.
Selon l’un des rares documents sur l’insécurité au Bénin, de l’Institut néerlandais des relations internationales « Clingendael », les régions les plus à risque en matière de terrorisme au Bénin sont les départements de l’Alibori, du Borgou et de l’Atacora.