Un rapport intitulé « La gouvernance des espaces frontaliers du parc W-Bénin à l’épreuve des défis sécuritaires et des fragilités sociopolitiques » a été publié en Août 2023 par l’Agence Française de Développement (AFD). Réalisée par Amandine Gnanguenon de l’Institut d’études comparées de l’intégration régionale de l’Université des Nations Unies, l’enquête démontre la position névralgique du parc W dans les conflits qui sévissent dans les espaces frontaliers du Bénin, et impactent les activités humaines et de protection de la flore et de la biodiversité.
Des fragilités au niveau des espaces frontaliers qui compromettent l’ambition du Bénin de faire de la Pendjari/W le parc de référence de l’Afrique de l’Ouest. La responsabilisation des populations vis-à-vis des aires protégées a profondément changé de nature depuis que le gouvernement béninois a décidé d’amputer le Centre National de Gestion des Réserves de Faune (CENAGREF) de la gestion directe du parc pour le confiner au contrôle régalien des réserves de faune. Litiges fonciers, tensions inter et intra familiales puis intercommunautaires, conflits entre agriculteurs et éleveurs ; même si l’encadrement institutionnel et légal pour conférer au parc W-Bénin un statut d’aire protégée ne date pas d’aujourd’hui, il s’est nettement accru depuis la délégation de la gestion du parc à un organisme privé en l’occurrence African Parks Network.
En plus de restreindre l’espace réservé aux travaux champêtres autour du parc, la présence de l’ONG de conservation de la nature donne aux différents groupes socioprofessionnels et culturels, le sentiment d’un partage inégal des ressources issues des zones délimitées. Et les groupes armés insurrectionnels en profitent pour ancrer dans le cœur des populations qu’ils peuvent suppléer au vide laissé par l’État en assurant les besoins de sécurité, de justice et de réduction des inégalités : « Au cours de leur déplacement dans les différentes localités, les groupes d’insurgés islamistes participent au règlement des conflits liés à la transhumance dont ils ont connaissance et ils assurent la sécurité des usagers de la route contre les braqueurs, comme c’est le cas à Porga (Bénin) (Bako-Arifari & Amouzou-Glikpa, 2021). Or toutes les personnes qui bénéficient de la présence des djihadistes sont autant de recrues potentielles. », renseigne le rapport. Et la pression démographique qui est attendue dans les périphéries des parcs nationaux dans les prochaines années fait craindre une montée de l’insécurité. De grands impacts sont attendus également pour les ressources naturelles.
En plus de restreindre l’espace réservé aux travaux champêtres autour du parc, la présence de l’ONG de conservation de la nature donne aux différents groupes socioprofessionnels et culturels, le sentiment d’un partage inégal des ressources issues des zones délimitées.
Au-delà de l’insécurité, une menace pour la flore et la faune
« Le Complexe WAP qui englobe les parcs nationaux W, Arly et Pendjari fait partie de la « Grande muraille verte d’Afrique », un projet continental qui s’étend sur 7 100 km, de Djibouti à Dakar, et vise à lutter contre le changement climatique et la désertification, notamment en endiguant l’expansion du désert du Sahara. D’une superficie d’environ 3,2 millions d’hectares, soit un espace plus grand que la Belgique (30 688 km²), il constitue la plus grande mosaïque d’aires protégées transfrontalières d’Afrique de l’Ouest.
Le Bénin représente 56 % de cet espace, soit la plus grande partie du parc (577 235 ha) », peut-on lire dans le rapport. Les questions géopolitiques sont venues jouer les trouble-fêtes malgré la volonté des différentes parties prenantes. Les conflits qui gangrènent la zone des parcs nationaux rendent périlleux les projets de reforestation. Or au regard de la complexité des défis, le succès d’une telle initiative est fortement tributaire d’une pacification de la région et d’une bonne appropriation du projet par les communautés locales à travers une approche inclusive.
En ce sens, il est indispensable que les populations soient convaincues que le projet leur offre un avenir meilleur à travers un travail de sensibilisation, trop peu effectué. L’implantation des groupes armés dans les réserves naturelles de l’Afrique de l’Ouest, notamment dans le complexe WAP rend le travail encore plus ardu pour les scientifiques et les différentes interventions attendues dans le cadre de la conservation de la biodiversité :
« Il y avait un travail en cours pour réconcilier l’homme et la biodiversité. C’était aussi le sens de la réforme des parcs nationaux. Tous les projets autour du parc pour améliorer les conditions de vie des populations, créer des activités génératrices de revenus, recruter parmi les jeunes, les personnes qui participent à la surveillance et la gestion des parcs, étaient conduits dans un objectif donné. Le touriste qui est venu et ne trouve pas de place dans les hôtels pouvait même loger chez les autochtones grâce à un projet qu’on appelle ‘’Logement chez l’habitant’’. Et des dispositions étaient prises en amont. Tout ce travail est aujourd’hui compromis à cause de l’insécurité. Vous ne verrez plus aucun touriste. Si vous en percevez, il s’agit alors d’un local, et il ne pourra même pas se rendre à l’intérieur des parcs. Les problèmes d’insécurité détruisent par ailleurs la faune parce que les braconniers à l’intérieur du parc se nourrissent des animaux. Ils abattent les animaux n’importe comment » (Entretien réalisé par Sentinelles d’Afrique avec le maire de Tanguitéta, Cotonou, le 20 septembre 2023).
Les conflits qui gangrènent la zone des parcs nationaux rendent périlleux les projets de reforestation.
Si autrefois, l’inefficacité du dispositif de surveillance des parcs était liée à l’insuffisance d’effectif, d’équipement et au manque de motivation du personnel des services forestiers affecté dans lesdits parcs, aujourd’hui, c’est l’insécurité qui compromet les efforts de conservation de la biodiversité.
Sources
- Amandine Gnanguenon, (2023), La gouvernance des espaces frontaliers du parc W-Bénin à l’épreuve des défis sécuritaires et des fragilités sociopolitiques, Agence française de Développement, Rapports techniques n°73. Disponible sur : https://www.afd.fr/fr/ressources/la-gouvernance-des-espaces-frontaliers-du-parc-w-benin-lepreuve-des-defis-securitaires-et-des-fragilites-sociopolitiques (consulté le 24 octobre 2023).
- Entretien avec Zakari BOUKARY, maire de la commune de Tanguiéta, le 20 septembre 2023.